Caroline Aiello-Brottet, vous avez été nommée pour prendre la suite d’Hervé feulgerolles comme référente Bâti scolaire de l’académie de Lyon, par le recteur Dugrip, depuis septembre 2022. En tant que nouvelle responsable de la cellule académique Bâti et Espaces d’Apprentissage, quelles orientations allez-vous donner à cette équipe ?
La mission de référente bâti scolaire de l’académie comporte deux casquettes :le rôle de référente bâti scolaire académique et le pilotage de la cellule conjointement avec Edwige Coureau Falquerho
Avant cela, j’étais membre de la cellule académique depuis 2019.
La cellule BEA est une petite équipe de 10 personnes, majoritairement issues du monde de l’éducation (des enseignants et un personnel de direction). Ces personnes sont déchargées à mi-temps de leur fonction. Elles ne consacrent qu’une partie de ce mi-temps à la cellule BEA.
Depuis la création de la cellule, l’enjeu majeur est de créer une culture partagée, une vision commune de la transformation du bâti scolaire avec tous les acteurs du monde de l’éducation. Cela comprend aussi les partenaires de l’éducation tels les collectivités, les constructeurs de bâtiments, les maitrises d’ouvrage…
Une des spécificités de la cellule lyonnaise est de s’est positionnée, au fil du temps et du travail collaboratif ,en tant qu’interface opérationnelle entre tous ces acteurs. Elle a progressivement mis en place un travail inter-catégoriel, inter-métier dans l’académie et a permis un accompagnement efficient. Elle travaille avec toutes les collectivités territoriales, la région, le département du Rhône, de la Loire et de l’Ain.
Je distingue 3 grands enjeux majeurs au-delà de cette vision globale :
- L’accompagnement de la communauté éducative, des collectivités territoriales, des acteurs publics. Celui-ci doit se faire avec une approche la plus prospective possible pour accompagner les mutations pédagogiques, environnementales, les transitions démographiques, règlementaires. Cela passe par l’acculturation des acteurs. On propose notre expertise sur des sujets très variés.
- Produire, partager et mutualiser à l’échelle de l’académie. La cellule essaye de capitaliser sur les projets pour partager des ressources, des retours d’expérience, des espaces d’inspiration et à travers des dossiers d’expertise (liste des dossiers et LIEN: les salles de sciences), l’intérêt de la concertation usagers, les centres de ressources, elle permet d’accompagner la montée en compétence des acteurs.
- Faire monter en compétences les acteurs. pour cela, la cellule développe des outils d’accompagnement, des parcours de formation dans le cadre de l’EAFC. Actuellement, nous accompagnons beaucoup au sujet des dossiers NEFLE. Nous intervenons en amont pour une réflexion plus solide et durable des projets d’aménagements. Pour éviter un dossier qui ne serait qu’une « liste au père Noel », nous essayons de construire des valeurs piliers du projet grâce à une ingénierie éprouvée depuis plusieurs années. Nous avons le projet de faire un module de formation dans les parcours de formation initiale au sein de l’iNSPE. Il serait intéressant de le co-construire avec Pierrre Chareyron (directeur de l’iNSPE de l’académie de Lyon).
La cellule Bâti et Espaces d’Apprentissage accompagne de nombreux projets en lien avec les établissements et les collectivités territoriales. Quels sont les principaux projets à l’heure actuelle et à quelles demandes répond cet accompagnement ?
La cellule BEA reçoit de nombreuses demandes car elle devient de plus en plus un acteur identifié. Cela oblige à faire des choix stratégiques mais la cellule BEA répond à tout le monde. Elle prend un temps qu’elle appelle l’écoute des besoins. Suite à cela, soit elle propose un accompagnement CTA (Collectif Territoire Apprenant) quand les personnes ne sont pas pressées de déposer leur dossier NEFLE soit elle apporte une expertise ponctuelle.
Depuis 2018, elle accompagne au maximum quatre CTA dans l’année, cela représente une vingtaine d’heures.
Pour 2023-2024, elle accompagne également des projets d’envergure. Elle a par exemple accompagné le collège Jules Valles dans la Loire Ce collège devient une cité scolaire avec l’implantation d’une école sur le site qui mène à repenser tous les espaces. L’accompagnement s’est fait entre autres à travers un hackathon durant lequel a été réalisé un travail sur la vie scolaire, la direction, les salles de classe, le pôle EPS et la restauration qui deviennent des espaces mutualisés avec l’école. Lors de ce hackathon, il y avait tous les acteurs du collège, la municipalité et la collectivité. Au-delà d’un réflexion sur les espaces, nous avons accompagné la réflexion sur les intentions pédagogiques et en particulier une réflexion pédagogique qui vont encourager un apprentissage plus actif.
La cellule accompagne aussi la ville de St Etienne dans une réflexion sur une nouvelle école. Elle prévoit un mini hackathon avec I’EN de circonscription et des directeurs ayant réfléchi ces idées de nouveaux espaces d’apprentissage.
Elle suit en parallèle, toujours dans la Loire, le collège la Talaudière pour un projet de CTA et 2 lycées en cours de mise en place de dossier NEFLE. Un hackathon est prévu pour la cité scolaire René Cassin à Tarare qui dépose une demande d’accompagnement de type CTA. La cellule accompagne aussi le lycée Val de Saône à Trévoux qui souhaite créer une classe d’oralité. Je vais d’ailleurs aller les voir « en écoute » début janvier 2024 pour un accompagnement en février.
Elle suit enfin un dernier gros projet dans l’Ain depuis 2023. Il s’agit du collège Emile Cizain qui mène une réflexion sur la cour de récréation et sur une salle de travail innovante. C’est un gros travail avec une collectivité qui a été force de proposition pour les aménagements de la cour en lien avec la transition écologique. Le travail avec la collègue référente EDD a permis de trouver des solutions opérationnelles qui n’avaient pas du tout été envisagées par les équipes au départ. Ce travail d’expertises croisées a été très intéressant. L’équipe BEA s’y déplace pour travailler début janvier après retour de la collectivité. Cela permettra de dynamiser le dossier NEFLE qu’ils souhaitent déposer. Ce travail a été tellement intéressant qu’un projet d’expérimentation académique de faire classe dehors, porté par une IA-IPR de SVT, est venu s’y adosser. Cela amené à un témoignage au colloque national « Faire classe dehors » à Poitiers (atelier et colloque scientifique).
Viennent s’ajouter à cela toutes les demandes reçues sur l’adresse mail académique, Cellule-bea@ac-lyon.fr et qui ont fait l’objet d’accompagnements plus ponctuels.
On reçoit parfois des demandes d’autres instances académiques et on les aide à prendre contact avec les responsables des autres académies.
L’équipe BEA a développé des parcours de formation dans le cadre de l’EAFC de l’académie de Lyon. Comment évolue cette offre de formation, a fortiori dans le contexte actuel de forte évolution de la formation des enseignants ?
Pour l’instant, la cellule intervient majoritairement en formation de type CTA : collectif territoire apprenant. Les équipes apprécient ces accompagnements car elles apportent une ingénierie de type design-thinking qui donne de lac consistance à leur dossier. Cela concerne surtout la partie concertation usagers, les intentions et les fondements pédagogiques du projet, les réflexions sur les gestes professionnels et sur les indicateurs d’évaluation (en termes d’apprentissages de bien être scolaire, etc). On veille à ne jamais décorréler la réflexion sur les espaces des intentions pédagogiques.
Le COTEA,, instance décisionnelle de la cellule BEA, rassemble des représentants de toutes les instances du rectorat : Pierre Chareyron pour l’iNSPE, Estelle Vergnolle pour l’EAFC, François Morel pour Canopé, Jean-Charles Diry pour le pôle innovation;.. La question qui se pose est comment « faire du lien » avec ces instances (afin de mettre en place d’autres formations).
J’ai pris le temps de créer des ponts avec le pôle innovation ;qui possède un groupe de travail appelé « espèce d’espace », s’adressant plutôt au 1er degré – classes flexibles. J’ai créé des temps de formation avec eux, avec des membres qui aimeraient devenir formateur premier degré et qui pourraient intégrer les formations BEA
La cellule a également été sollicitée pour une formation de formateurs en complément de celle proposée par l’Ifé pour y ajouter la spécificité d’accompagnement. nous aimerions créer un parcours pour tout type de formateur qui voudrait monter en compétences sur ces sujets. Cela permettrait d’avoir un renforcement sur certains modules.
Nous avons déposé une proposition de formation à candidature individuelle qu’il faut encore penser dans le cadre de la rénovation de la formation continue.
Une formation à l’IHE2F est également envisagée. Elle s’adresserait aux personnels de direction qui sont les premiers pilotes de la transformation des espaces et qui auraient besoin d’une acculturation sur ces sujets.
En matière de Bâti scolaire, cette année va être marquée par le déploiement du plan EduRénov pour améliorer la performance énergétique des écoles, collèges et lycées. Quel est le rôle de la cellule Bâti et Espaces d’Apprentissage en matière de transition écologique des établissements scolaires ?
Cette année est marquée par le plan Edurenov du bâti scolaire, financé par la banque des territoires et ses partenaires. Ce plan prescrit la rénovation du bâti public afin de garantir 40% de consommation énergétique en moins d’ici 2023. En fait, les recteurs et DASEN sont en charge, avec les élus et les préfets, d’identifier d’ici janvier 2024 les écoles, collèges et lycées prioritaires par département. Les référents bâti scolaire viendront en appui de la cellule ministérielle pour faciliter le dialogue entre les collectivités territoriales et les usagers.
A posteriori, la cellule aura à valoriser les projets de rénovation et de transformation écologique.
Comment pensez-vous que ce plan puisse intégrer la part pédagogique, des liens avec le climat scolaire, l’ouverture à la ville… ?
L’intégration de la part pédagogique était justement le sujet du séminaire terrain d’apprentissage 2023 : accompagner la transition écologique du bâti scolaire : de la rénovation écologique des bâtiments à une transformation pédagogique. Comment montrer que le mouvement de transition écologique peut s’appuyer sur une transition pédagogique préexistante. Comment le déploiement massif des financements centrés sur la performance énergétique amène le devoir d’intégrer la dimension espaces apprentissage, des espaces de vie dans une approche systémique en prenant compte les usages et pratiques et aux espaces temps.
Le séminaire 2023 a proposé de nombreux témoignages en ce sens. Le mouvement pour faire classes dehors et la végétalisation des cours montre que celles-ci deviennent alors des espaces d’apprentissage alors qu’elles n’étaient pas pensés comme tel à l’époque. Cela amène une autre réflexion : la cour extérieure, si elle est végétalisée, amène une dimension pédagogique sur le développement durable, la prise en compte des défis environnementaux en prenant appui sur l’éducation à la nature. Il y a cette prise de conscience que la cour peut devenir un espace de sociabilisation et d’apprentissage.
Il y a également eu un témoignage du travail des architectes et des maîtrises d’ouvrage du lycée Arnaud Beltram de Meyzieu et de l’école Eugène Brasier qui illustre la rénovation d’un bâti existant. Il y a une réflexion sur les matériaux : faire mieux avec moins, faire avec du préexistant… C’est intéressant que le bâti scolaire ne soit plus seulement un sujet technique. Cela devient davantage un batiment habité et un lieu de tous les apprentissages. Il y a eu un vrai changement de paradigme du discours des architectes. La transition écologique a intégré ces nouvelles dimensions.
Les espaces d’apprentissages sont des lieux de vie et des lieux de vie deviennent des espaces d’apprentissage.
Caroline Aiellio Brottet
Cette question écologique devient de plus en plus une question sociale. La rénovation des écoles est ancrée dans la politique de la ville. Par exemple, la ville de Villeurbanne a travaillé sur la végétalisation des cours d’école mais aussi sur l’usage de matériaux bio sourcés, la sollicitation d’artisans locaux…On a une politique globale avec espaces polyvalents (jardins partagés), des projets de compostage ouvert sur la ville avec les problématiques de gouvernance de ces espaces que cela peut poserr.
En bref, une transition écologique mais jamais décorrélés des espaces d’apprentissage. Les espaces d’apprentissages sont des lieux de vie et des lieux de vie deviennent des espaces d’apprentissage.
En conclusion, quels conseils donneriez-vous à des acteurs – chefs d’établissement, enseignants, collectivités, etc – qui souhaitent faire évoluer le bâti scolaire et accélérer la transition écologique de l’Ecole ?
Tout d’abord il faut avoir une approche holistique : avoir une vision et un engagement collectif. Il faut proposer et définir une vision commune à partir d’un objet diagnostic ou problématique définie et y intégrer une dimension pédagogique et écologique.
Ensuite, il faut Impliquer tous les acteurs de la communauté éducative, cela comprend les parents, les élèves, les entreprises locales, les agents. Avec toute cette communauté, il faut avoir une réflexion qui intègre les mutations pédagogies en cours ou futures. Il faut ensuite mettre cela en lien avec le défi écologique auquel il faudra faire face
Il faut ensuite penser le suivi et l’évaluation du projet. C’est rarement pris en compte amis c’est pourtant très important pour ne pas naviguer à l’aveugle. Il faut donc définir des indicateurs pour mesurer les impacts des changements et ajuster la stratégie en fonction des retours d’expérience.
Il faut ensuite prendre appui sur les ressources et acteurs identifiés à l’échelle académique et ministérielle : la cellule BEA, d’autres acteurs académiques comme la cellule NEFLE académique ; Il existe un M@gistère très complet pour les dossiers NEFLE. Il existe également des documents ressources du ministère : les guides « agir pour la transition énergétique dans les écoles et les collèges ».
Pour conclure?
Il existe dans l’académie de Lyon un mouvement fédéré et structurant sur lequel il faut prendre appui et qui peut inspirer. La cellule BEA propose une expertise croisée efficiente et même enviée.