Marine Bourlet est designer d’espace à l’atelier Canopé de Saint Etienne. Son intervention lors d’un atelier du Séminaire 2022 Terrains d’apprentissage, fait l’historique du projet AMUSES visant à rénover les aménagements de la cour de l’école Paul Fleyssant (à Savigneux, 42). Cet atelier permet de suivre la planification du projet et de prendre connaissance des outils utilisés.
Une démarche métier appliquée à la notion d’espace.
La demande initiale
La demande à l’origine du projet émane de la mairie de Savigneux, où se situe l’école Paul Fileyssant. Cette dernière souhaite dé-genrer et végétaliser la cour d’école mais aussi aménager un terrain enherbé proche appartenant à la commune.
L’école est sans difficulté particulière. Elle se situe dans une commune plutôt aisée en raison d’un bon tissu industriel et présente une équipe enseignante sans demande particulière.
Découverte du contexte de l’école : planifier
Cette étape permet de comprendre quels sont les usages de la cour et les postures pédagogiques des enseignants. Elle permet aussi de prendre la température aussi bien de l’équipe pédagogique que des autres intervenants de l’école ainsi que de la mairie.
Dans ce cas précis, l’équipe n’est pas à l’origine du projet d’aménagements d’espace, mais elle est prête à s’y engager. Les enfants qui fréquentent l’école n’ont pas de souci auquel il faudrait prêter attention. En particulier, il n’y a pas d’enfants à besoins spécifiques. L’école présente une faible mixité sociale. Il n’y a donc pas d’éléments structurels qui pourraient orienter le travail. Ce constat pourrait paraître problématique mais permet en fait de partir d’une page blanche en cherchant juste à « faire autrement ».
Le temps de l’acculturation : se former
Ce deuxième temps permet de faire davantage connaissance, de se former, de faire vocabulaire commun. La réflexion commune évoque des attendus et des postures pédagogiques différentes à travers les futurs aménagements. Il permet également des apports méthodologiques avec des ressources pédagogiques exploitables en classe. Les enseignants découvrent la malette pédagogique « une histoire de cuillère », proposée par Canopé, qui permettra ultérieurement de mettre les élèves en situation de mini-designer
Représenter les usages et les besoins
Sous l’impulsion de la designer d’espace, les adultes fréquentant l’école réalisent une cartographie des usages de la cour, de leur temporalité. Cela constitue les cycles journaliers de la cour.
Ces cycles mettent en évidence que la cour est homogène et vide, sans structures permettant le jeu. Les pratiques pédagogiques de l’école sont traditionnelles et la cour n’a pas d’usage pédagogique. Aucun besoin spécifique, en particulier pour le sport, ne ressortent. Enfin, la cour soufre d’un inconfort climatique.
Les élèves rejoignent le travail de réflexion à cette étape Le travail avec les élèves va permettre de passer de l’objectif de « dégenrer et végétaliser » à « améliorer le bien vivre ensemble et améliorer le confort climatique ».
Ateliers créatifs
L’essentiel du travail se fait avec des élèves de CM1 et CM2 et les personnels. Néanmoins, les enseignants travaillent également avec des classes de CP sur des cabanes avec Drôle de maison et; avec des élèves de CE1 et CE2, sur Imaginer la cour de récréation idéale.
La planification du travail avec les élèves de CM1 et CM2 utilise deux supports pédagogiques apportant des informations complémentaires aux élèves. Le jeu C’est cliché permet de faire des débats sur la notion de genre. Le site Les énergivores propose des mini-séries sur les économies d’énergies
Améliorer le confort climatique de la cour
Une première classe travaille sur le confort climatique de la cour. Après un état des lieux sous forme de cartographie sensible à l’échelle 1, cette classe établit un cahier des charges. En réalisant des maquettes, elle s’interroge sur la manière d’atteindre ses objectifs. Ce travail permettra d’établir des préconisations, dont la création d’un nouveau préau avec des jeux, des espaces pour dessiner et des livres.
Améliorer le bien vivre ensemble
La deuxième classe travaille sur le bien vivre ensemble avec le jeu du poker design (jeu permettant la mise en place de contraintes créatives – un exemple d’utilisation du poker design ici). Ce travail permet d’imaginer des jeux de cour sur plan mais également de les tester et faire tester dans la cour de récréation.
Le test des prototypes par d’autres élèves amène des discussions entre élèves permettant d’améliorer les jeux. Elles amènent en particulier à imaginer l’obsolescence possible des jeux. Cette réflexion rejoint le concept du jeu libre et de libre appropriation. L’idée est de ne pas mettre en place des installations trop fermées ou suggestives, mais plutôt d’être dans des structures plus libres qui laissent place à l’imagination qui résisteront mieux à l’évolution des usages.
Préconisations à l’issue du travail
Cette dernière étape, consiste à faire la synthèse de ce qui a été imaginé pour rendre des préconisations. Celles-ci se présentent sous forme de cartographie sensible. Les préconisations retenues sont entre autre un coin de travail en extérieur, un espace conservant l’enrobé pour faciliter les jeux, un 2ème préau avec des livres et des tabourets, un changement de sol en s’appuyant sur les travaux des cours oasis (informations sur le site de la mairie de Paris), un espace extérieur ouvrant la possibilité de faire classe dehors.
Des structures permettant de construire des cabanes sont également envisagées, en partenariat avec un fabriquant de textile extérieur.
En conclusion…
Ce travail a confirmé que lorsqu’il y a des aménagements dans une école, les enseignants cherchent à en faire quelque chose. Même si les enseignants ne sont pas tous prêts à changer de pédagogie dans l’école où s’est déroulé ce projet, on peut imaginer un effet boule de neige accentué par le renouvellement progressif des équipes.