Le lycée professionnel Georges Lamarque de Rillieux-la-Pape, lauréat au printemps 2021 de l’appel à projet régional « Imaginons le lycée de demain », a conduit dans ce cadre le réaménagement d’un des espaces extérieurs de l’établissement. Claude Di Liberatore proviseur du lycée, Charlotte Durif CPE et Valérie Lincot principale du collège Jean Renoir de Neuville-sur-Saône (précédente proviseure du lycée Lamarque), sont venus présenter ce projet et partager leur expérience lors du séminaire Terrains d’Apprentissages organisé par la Cellule BEA le 21 octobre 2021.
Comment les élèves imaginent-ils leur lycée de demain ?
Donner vie à un espace commun au coeur de l’établissement
C’est en partant du constat d’un CDI peu fréquenté qu’une équipe multidisciplinaire du lycée Lamarque de Rillieux-la-Pape, composée d’élèves, d’enseignants, de personnels de vie scolaire, d’agents techniques et de personnels d’intendance, s’est constituée.
L’objectif de cette équipe était dans un premier temps de réaménager le CDI – Centre de Documentation et d’Information de l’établissement. Cet espace, trop conventionnel et peu agréable en terme de confort de travail et de bien-être, ne parvenait plus à attirer les élèves. Il leur semblait nécessaire de le redynamiser. L’équipe souhaitait faire évoluer et moderniser cet espace afin que les élèves s’approprient ce lieu de culture, qu’il soit pour eux un lieu de vie, d’autant plus que le lycée accueille des élèves de filières professionnelles et des internes.
À noter que ce volet faisait initialement partie d’un projet plus global de rénovation qui concernait tout l’établissement. Pour diverses raisons, seul le projet décrit ci-après a pu être mené.
Une volonté de co-construction avec tous les acteurs
Afin de réfléchir aux aménagements à apporter au CDI pour le rendre plus attractif, l’établissement a dans un premier temps organisé un petit déjeuner inter-catégoriel. Cela a permis à toutes les catégories de personnels ainsi qu’aux élèves de réfléchir ensemble, in situ. Ce temps de travail a pris la forme d’un speed-brainstorming : de petits ateliers au sein desquels chaque groupe avait pour mission de coproduire un document sur lequel il devait imaginer ce qu’il souhaitait voir dans ce nouvel espace.
À l’issue de cette séance, il est rapidement apparu que la meilleure stratégie était de « passer par l’extérieur » du CDI. Plutôt que de réaménager l’intérieur comme il était prévu à l’origine, un consensus s’est formé sur des aménagements en dehors et à proximité du CDI. L’objectif du projet s’est donc déplacé en vue de créer un nouvel espace de vie dans l’établissement, qui puissent servir aussi bien de lieu d’apprentissage que de lieu de détente et de socialisation. Adultes comme élèves ont également souhaité intégrer une forte dimension éco-responsable à la conception de ce projet.
Émergence du projet : « Imaginons le lycée de demain »
Le pré-projet a donc émergé suite à cette première phase de réflexion, restait alors à trouver le financement. Peu de temps après, le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes lançait l’appel à projet « Imaginons le lycée de demain ». Ce dispositif inédit avait pour but d’accompagner et de financer des projets d’aménagement d’espaces collectifs au sein des lycées. L’objectif était de valoriser des idées facilitant le travail collaboratif et améliorant le bien-être des élèves, tout en s’inscrivant dans une démarche de développement durable.
L’établissement a saisi cette occasion et décidé de candidater à cet appel à projet sur la base du travail mené en amont. Le cadrage du projet s’est poursuivi, d’une part en définissant précisément l’espace extérieur à aménager, d’autre part en étayant les finalités pédagogiques et éducatives.
Partir des besoins des élèves
Pour enrichir et crédibiliser le projet, l’équipe de pilotage s’est appuyé sur les besoins exprimés par les élèves. Étant les destinataires et bénéficiaires de la démarche, il semblait tout naturel de leur demander comment ils imaginaient le nouvel espace et ce qu’ils souhaitaient y trouver. Un groupe d’élèves volontaires a donc été associé à la conception des plans et des choix d’aménagement, et au montage du dossier de candidature.
Les élèves souhaitaient en premier lieu pouvoir utiliser cet espace extérieur aussi bien pour jouer (sport, jeux de société…) que pour étudier ou simplement se détendre. Pour cela, il souhaitaient définir une certaine ambiance, un confort pour cet espace, en utilisant des mobiliers et des éléments de décoration adaptés. Parmi leurs besoins, les élèves ont également indiqué la nécessité de réglementer cet espace, par exemple en définissant des horaires d’utilisation ou encore en listant les matériels disponibles et empruntés.
Un autre besoin soulevé était d’avoir un lieu insonorisé ou du moins propice au calme. En effet, les différents ateliers du site étant souvent bruyants, pouvoir s’en écarter et avoir un lieu plus apaisant en extérieur était l’une de leurs envies.
Conception du projet : vive le travail collaboratif !
Durant toute cette phase amont de réflexion et de constitution du dossier, comme pour les autres lycées qui candidataient, le conseil régional n’a eu de cesse de soutenir l’établissement. Il a aidé à monter le projet notamment en faisant intervenir une designer qui a pu donner une vision d’expert avisé sur les aménagements possibles.
Le Conseil de Vie Lycéen (CVL) fut également un des grands acteurs de la phase d’élaboration du dossier. De nombreuses réunions ont pu se tenir, parfois durant les heures de cours. Les enseignants, compréhensifs, ont favorisé la tenue de ces réunions, permettant une forte implication des élèves.
Le projet a ainsi profité de la force de sa communauté éducative très soudée. Qu’il s’agisse des personnels d’intendance, de secrétariat, des assistants d’éducation, des agents territoriaux, des enseignants, des personnels de direction, l’ensemble des acteurs de l’établissement a pu débattre du projet et le faire sien.
Au final, en lieu et place d’une rénovation du CDI, le projet a porté sur un espace stratégique pour la vie de l’établissement, situé à un carrefour de circulation entre le CDI et la demi-pension, non loin de la salle des professeurs et de l’administration. L’aménagement de cette vaste terrasse a été conçu pour fournir confort physiologique, possibilités de travail personnel, en petit groupe ou en groupe-classe, tout en s’appuyant sur la végétation existante et en proposant d’y ajouter une mare pédagogique pour favoriser le passage des oiseaux migrateurs. Quatre zones complémentaires ont été élaborées afin de concilier les différents usages prévus et de favoriser des innovations pédagogiques.
Comment les acteurs s’approprient-ils ce nouvel espace ?
La réalisation rapide d’une première tranche de travaux
La première et plus importante phase de travaux a été menée entre avril et septembre 2021, ce qui a permis une appropriation de l’espace par les élèves dès septembre 2021. Claude Di Liberatore, nouveau proviseur arrivé à la rentrée 2021, explique avoir pu profiter de cette dynamique et de la pluralité des acteurs impliqués pour s’insérer facilement dans la démarche et poursuivre l’avancement du projet.
Premier bilan concernant les aménagements et leur utilisation
À la rentrée 2021, les travaux n’étaient pas encore totalement terminés, mais après un terrassement global, des tables de pique-nique, des chaises longues de type chilienne ainsi que des gradins avaient déjà pu être mis en place. Un cabanon était également installé pour que les élèves puissent ranger le matériel mobile en autonomie. Ces installations devaient être complétées durant l’automne par l’installation de potelets électriques avec prises réseaux et prises de courant pour les élèves souhaitant utiliser leur ordinateur portable ou brancher leur smartphone en extérieur, ainsi que par un écran mobile de projection en extérieur, pour faire classe et pour pouvoir projeter des films, par exemple dans le cadre du ciné-club pour les internes. Grâce à ces premiers aménagements, les élèves se sont vite emparés de l’espace qui a rapidement pris vie.
L’espace aménagé, en tant que carrefour de circulation, s’est rapidement révélé comme une zone facilitant les échanges et les interactions. Elle renforce également la visibilité du CDI, contribuant ainsi à l’objectif de départ qui était de rendre ce dernier plus attractif et d’inviter à sa fréquentation. De nombreux groupes d’élèves, qui avant ne fréquentait quasiment pas cet espace de passage froid et peu accueillant, se sont spontanément appropriés les assises et les tables, que ce soit pour des usages récréatifs (discussions, lecture, repos) ou pour du travail personnel.
Aucun incident et aucune dégradation du matériel n’ont eu lieu sur les premiers mois d’utilisation. Les internes apprécient particulièrement cet espace en soirée et ont réussi à convaincre l’équipe de restauration de les laisser dîner dehors. Ils gèrent le matériel en autonomie et sont responsables de son bon rangement le soir (chiliennes, coussins…).
Les nouveaux élèves arrivés en septembre dans l’établissement ont de leur côté pu utiliser cet espace dans le cadre d’un parcours de découverte de l’établissement. Quelques enseignants ont commencé à expérimenter des séances de cours dehors, gênées toutefois à l’automne par une météo peu clémente et par l’absence d’un vidéoprojecteur et d’un écran (en attente d’installation).
Qu’en disent les élèves ?
- « En extérieur, on peut y enlever le masque ! »
- « On entend moins le bruit des ateliers »
- « Cela change de nos habitudes »
- « On favorise la curiosité des élèves »
Qu’en disent les adultes ?
- « Les tables de pique-nique sont les plus investies car elles favorisent le travail collaboratif »
- « Cela développe une posture d’enseignant à côté de l’élève plutôt qu’en face »
- « Ce sont les professeurs des matières générales (Mathématiques, Français, Histoire-Géographie) qui y viennent le plus souvent »
- « Les cours sont moins magistraux mais plus en accompagnement »
- « Les activités menées sont autant orales qu’écrites »
- « Il y a plus facilement des interactions »
Quel premier bilan dresser des activités menées dans cet espace ?
- « On entend moins le bruit des ateliers ce qui est plus propice aux échanges »
- « L’ambiance est plus décontractée mais le travail tout aussi efficace ! »
- « Le travail produit répond aux attentes des enseignants »
- « Les élèves se sentent plus responsables »
- « Tout le monde est ravi de pouvoir enlever le masque et de profiter des visages »
- « On profite de la proximité du CDI sans devoir y entrer »
- « La récréation n’est plus autant une « libération » qu’à l’accoutumée »
- « Les personnes traversant l’espace s’intéressent volontiers au cours mené »
- « On est malheureusement, parfois, dérangé par quelqu’un qui passe »
- « Il faut bien prévoir sa séance et le matériel dont on a besoin car les salles de cours sont loin »
- « Certains souhaiteraient avoir accès à cet endroit a davantage de matériel pédagogique »
Comment vit cet espace aujourd’hui ?
Environ un trimestre après l’ouverture de ce nouvel espace, l’objectif d’augmenter la fréquentation du CDI n’était pas encore visible. Mais le constat est que de plus en plus de monde gravite dans ce nouveau cœur de vie de l’établissement. Il est d’ores et déjà indéniable que les lycéens s’y sentent bien. Les enseignants commencent à l’utiliser également, il facilite ainsi l’émergence de nouvelles pratiques pédagogiques.
Les aménagements réalisés, privilégiant une fabrication locale, ainsi que l’installation de la mare pédagogique, illustrent l’engagement de l’établissement en matière de développement durable.
Pour finir, un projet de chef d’œuvre est en cours de réalisation par des élèves de Terminale ERA (Étude et Réalisation d’Agencement). Il porte sur la création de mobiliers d’extérieur pour agrémenter les différentes zones de cet espace, en particulier la zone détente-travail côté CDI. Cette implication des élèves prend tout son sens pour ce lycée professionnel des métiers de la tapisserie et des arts du bois. Elle inscrit ce projet d’aménagement, qui aurait pu rester ponctuel, dans une logique de long terme pour l’établissement, avec une articulation pédagogique renforcée.
Un projet désormais inscrit dans du long terme
Ce nouveau cœur de vie imaginé au sein du lycée Lamarque prend forme tout au long de l’année 2021-2022. Pour le proviseur, les enseignants et les élèves restent en attente de sa finalisation, prévue au premier semestre 2022, pour en découvrir tout le potentiel. Mais les premiers retours d’usage sont plus que prometteurs ! Reste à savoir si la fréquentation du CDI en profitera également.
Quoi qu’il en soit, ce projet a été fédérateur et l’ensemble de la communauté éducative du lycée peut être fière du travail effectué. Depuis l’annonce des lauréats de l’appel à projet « Imaginons le Lycée de demain » en février 2021, que de chemin parcouru. Et à venir !