Le collège Jean de Tournes, un membre du Léa ELIAN
Le collège Jean de Tournes à Fontaines-sur-Saône fait partie du réseau ELiAN, qui travaille sur l’Evaluation des Lieux Innovants d’Apprentissage avec le Numérique. Ce réseau regroupe plusieurs établissements de l’académie de Lyon dans le cadre d’une recherche collaborative pilotée par Laurent Jeannin, chercheur à Cergy Université. Cette recherche a démarré en 2019 et se termine en 2022.
Deux enseignants de ce collège, Frédérique Pastor enseignante d’arts plastiques et Damien Berthollet enseignant de SVT, participent activement au LéA ELiAN. Ils ont présenté une communication lors du Colloque international en éducation du CRIFPE en avril 2021. À cette occasion, ils ont exposé leur participation en tant qu’enseignants à la restructuration de leur établissement. La concertation menée par la Métropole de Lyon en réponse aux demandes de l’équipe pédagogique a profondément modifié le projet initial, qui ne donnait pas satisfaction. Elle a conduit à pleinement intégrer une dynamique de transformation des espaces d’apprentissage, porteuse de potentialités pédagogiques plus étendues et d’une recherche de confort de travail pour les élèves et les personnels.
Ils nous expliquent comment cette implication des enseignants, ainsi que des personnels de direction et de vie scolaire, dans la re-conception des espaces d’enseignement et d’apprentissage a permis non seulement d’améliorer les conditions de travail des personnels comme des élèves (le chantier est encore en cours en 2022, une première tranche de travaux a été livrée en 2021). Mais également d’alimenter une réflexion collective, une évolution des pratiques professionnelles et, pour plusieurs d’entre eux, d’entrer dans une démarche de développement professionnel en lien avec la recherche.
À l’origine du projet collaboratif
Le collège Jean de Tournes se situe dans une banlieue plutôt aisée de Lyon. Il est confronté à une désaffection des familles s’orientant vers l’enseignement privé ou vers d’autres établissements du secteur. Son bâti ancien a justifié un projet de restructuration, envisagé depuis la fin des années 2010 mais resté stagnant pendant plusieurs années.
À l’occasion d’un changement de chef d’établissement, un groupe d’enseignants a eu l’opportunité de s’impliquer dans le projet de rénovation qui avait jusque là fait l’objet de plusieurs versions, mais sans réellement associer les usagers finaux. Cette implication des enseignants dans le projet est-elle un pari gagnant ?
Le changement de chef d’établissement du collège a permis d’amorcer un nouveau processus de travail selon un mode collaboratif. En imposant certaines contraintes, la nouvelle cheffe d’établissement, Rachel Vagney, a proposé aux enseignants de mener une réflexion sur les nouveaux espaces du collège. Les enseignants sont ainsi passés d’une posture de spectateurs à une posture d’acteurs du changement.
Le cahier des charges intégrait les enjeux à l’échelle locale, à l’échelle de l’établissement et au niveau institutionnel. Il orientait la restructuration vers la mise en œuvre d’une gestion raisonnée des outils numériques tout en respectant un certain nombre de contraintes externes comme les attentes des familles, des écoles du secteur, des associations, ainsi que des contraintes budgétaires et architecturales.
Ce travail collaboratif a permis une analyse plus précise des besoins locaux au regard des contraintes pour penser des aménagements adaptés à des pratiques pédagogiques vécues ou désirées par l’équipe éducative. Pour les enseignants en particulier, l’idée était de contourner l’écueil de pratiques pédagogiques standardisées et imposées par la spatialité des salles de classe, et donc de penser des espaces laissant toute liberté pédagogique.
Une démarche d’énovation associant les parties prenantes
La démarche mise en place en concertation entre la direction de l’établissement et la Métropole de Lyon a permis de développer un processus d’énovation.
Cette démarche part des pratiques des enseignants, ce qui permet l’analyse des besoins collectifs pour faire émerger des changements et atteindre un objectif. Comme dans tout projet collaboratif, cette démarche a nécessité du temps aux acteurs du collège Jean de Tournes afin que cette analyse se fasse de manière réellement concertée. Elle a demandé d’échanger avec des acteurs institutionnels ayant leurs propres référentiels, parfois éloignés de celui des acteurs de terrain. Ce travail collaboratif a impliqué une acculturation des différentes parties prenantes afin que chacun tienne compte des enjeux et obligations de l’autre.
Une vision globale de la restructuration
Le projet de restructuration du collège Jean de Tournes avait une visée plus globale : faire de cet établissement un lieu d’accueil pour tous les acteurs locaux, dans une logique de territoire apprenant. L’idée directrice était d’en faire un lieu de vie, un lieu de travail mais aussi un lieu de réflexion pour les pratiques pédagogiques futures. Les résultats attendus de cette transformation globale de l’établissement scolaire étaient un impact positif sur le climat scolaire et des conditions de vie et de travail favorisant la réussite de tous les élèves.
L’équipe porteuse du projet a donc souhaité que le projet englobe tous les espaces du collège, intérieurs comme extérieurs, et que le projet de restructuration adopte une logique systémique lui conférant davantage de cohérence.
Les enseignants, en accord avec les autres acteurs impliqués dans la concertation, ont notamment réfléchi, en lien avec cette visée globale, sur la façon d’établir des liens entre l’aménagement des espaces, l’évolution des pratiques pédagogiques et le déploiement des outils et équipements numériques.
De l’expérimentation à une réflexion partagée
Dans ce processus, les équipes ont ainsi eu l’opportunité de mettre en place un laboratoire pédagogique doté d’un mobilier adapté, modulable et d’un équipement numérique sous forme de tablettes. Les enseignants ont pris possession de ce lieu pour en tester les potentialités pédagogiques, les équipements, les possibilités d’agencement. Ils ont ainsi pu tester divers agencements de salle de classe en lien avec divers scénarios pédagogiques.
Cette phase d’expérimentation a donné lieu à un retour d’expérience et a permis d’alimenter la réflexion de l’équipe. Elle a ainsi conduit à penser les nouvelles salles de classe qui seraient mises en place suite à la restructuration. En particulier, il a été imaginé de nouvelles salles d’enseignement général à la fois banalisées et flexibles. Ces salles ont été souhaitées avec des cloisons vitrées à mi-hauteur, des tables et des chaises individuelles mais sans roulettes, car jugées plus robustes, moins complexes à entretenir tout en étant largement mobiles. Quelques chaises à roulette (type Node) ont été conservées pour des enfants à besoin particulier et pour des pédagogies alternatives. Il a également été demandé d’équiper ces salles en larges surfaces inscriptibles, avec un système de tableaux filants installés sur les murs disponibles.
Un bilan positif soutenu par les apports de la recherche
Cette intégration dans un processus de recherche a été ressenti comme bénéfique, notamment par les enseignants témoignant de cette expérience. Il a donné du temps aux acteurs pour tester, imaginer, faire évoluer leurs idées. Le travail et les observations ont nourri une réflexion en construction.
L’accompagnement par le projet de recherche du LéA ELiAN a permis, en outre, d’éclairer, de documenter et d’éprouver les pratiques. Il a stimulé des questionnements, et a poussé à une confrontation au réel. Enfin, il a permis de quantifier et mesurer les impressions pour sortir du ressenti.