Caroline Guédan et Charlotte La Rocca sont des professeures documentalistes exerçant pour l’une en collège et pour l’autre en lycée en région lyonnaise. Toutes deux ont des objectifs et des questionnements communs autour de leur pratique, bien que leurs deux établissements soient différents par leur localisation, leurs publics et leur niveau d’enseignement.
Membres de la cellule Bâti et Espaces d’Apprentissage, elles ont par ailleurs fait partie du réseau ELiAN sur la période 2019-2021. Elles ont ainsi eu accès à des données et des analyses sur les impacts des aménagements des espaces scolaires et ont donc pu développer à la fois leur réflexion et des expérimentations au sein de leurs CDI.
À l’occasion de la communication qu’elles ont présentée lors du Colloque international en éducation du CRIFPE en avril 2021, elles sont revenues sur l’histoire des CDI et sur l’histoire de leur métier. Elles ont ensuite expliqué pourquoi, de leur point de vue, le CDI est un lieu particulièrement concerné par les enjeux d’aménagement des espaces et comment l’intégration des outils numériques peut les faire évoluer positivement.
Un CDI n’est pas qu’une bibliothèque
Si les CDI étaient effectivement, à l’origine, des bibliothèques, ces lieux sont progressivement devenus des centres de documentation et d’information – CDI. Ils sont donc aujourd’hui très éloignés des bibliothèques scolaires présents dans l’imaginaire collectif, toutes de bois conçues, obscures et silencieuses. Ce ne sont ni des temples, ni des lieux pétrifiés dans le temps.
La comparaison des CDI du lycée La Martinière Duchère – où exerçait Charlotte La Rocca jusqu’en 2020 – et du collège Louis Leprince-Ringuet – où exerce Caroline Guédan depuis de nombreuses années – permet de mesurer la distance entre la bibliothèque de notre imaginaire….
… et un CDI d’aujourd’hui. On observe en particulier dans les CDI un espace documentaire avec moins d’étagères, des mobiliers plus variés, un espace de travail collaboratif.
Le métier de professeur documentaliste diffère également du métier de bibliothécaire. Quel que soit l’établissement scolaire, l’objectif des professeurs documentalistes est fixé par une même lettre de mission. Ces missions s’exercent à travers trois champs : l’enseignement, la gestion d’une bibliothèque et l’accueil des usagers. Parmi les missions ajoutées entre les années 1980 et aujourd’hui, on note en particulier l’initiation et la formation des élèves à la recherche documentaire, ainsi que l’éducation aux médias et à l’information, tout en conservant les missions d’ouverture culturelle et d’organisation des ressources documentaires de l’établissement.
Unité de lieu, diversité de besoins et de pratiques
Les professeurs documentalistes constatent une évolution de l’utilisation du CDI par les élèves et les enseignants. En effet, le numérique prend une place croissante. Les ressources sont beaucoup plus diverses qu’autrefois et requièrent une médiation renforcée de la part du professionnel qui les accompagne. Les élèves fréquentant les CDI y lisent davantage de BD, de mangas et de romans. La consultation de la presse est souvent complétée, voire remplacée, par la consultation des réseaux sociaux. En conséquence, la nécessité d’éduquer aux médias et à l’information prend encore plus d’importance. Enfin, le CDI est un lieu de pratique culturelle : les professeurs documentalistes doivent donc jouer le rôle de médiateur à l’occasion d’expositions et de projets.
Les usagers exploitent de leur côté l’espace physique du CDI de diverses manières : dans le cadre d’une activité de classe pour des projets collaboratifs (éducatifs, culturels…), pour un accompagnement personnalisé, pour des apprentissages informels par des expositions ou par la valorisation de travaux d’élèves, pour du travail personnel en autonomie…
L’aménagement du CDI doit ainsi répondre à ces nouveaux besoins et à ces nouvelles pratiques. Pour cela, cet aménagement doit reposer sur quatre grands concepts :
- la flexibilité / adaptabilité
- la modularité
- la mobilité
- l’accessibilité
Dans le cadre du réseau ELiAN, la réflexion globale d’un groupe d’enseignants accompagné par un chercheur s’est intéressée à l’adéquation entre les espaces d’apprentissage, les outils numériques disponibles, les besoins des usagers, les pratiques pédagogiques et la didactique du professeur documentaliste. Cette réflexion repose entre autres sur les regards croisés des différents membres du réseau.
Les expérimentations réalisées dans les CDI mènent à un essaimage dans l’établissement par l’aménagement d’autres lieux (salle d’étude, cour de récréation…). Cette expérience permet également à Charlotte La Rocca et Caroline Guédan de participer à la formation des professeurs documentalistes.
L’appropriation de l’espace par les usagers
L’appropriation des espaces du CDI est en grande partie liée à l’âge des usagers. Les besoins en termes de bien-être et d’autonomie ne sont pas les mêmes pour les enseignants et pour les différents niveaux d’élèves. L’idée-clé est donc la modularité et la flexibilité de ces espaces pour s’adapter à chacun. Et cette modularité et cette flexibilité doivent concerner aussi bien le mobilier que le fond documentaire.
En effet, le CDI peut accueillir aussi bien des classes entières que des groupes ou des usagers individuels. Le mobilier doit être adaptable afin de pouvoir en modifier l’emplacement et l’agencement. Le fond documentaire, lui, est en évolution constante : la modularité et la flexibilité du fond documentaire doivent répondre aux besoins des usagers, eux-mêmes évolutifs. Pour faciliter l’appropriation de l’espace CDI par les usagers, le dernier point important est l’accessibilité du lieu et de ses ressources.
Différents indicateurs identifiables et quantifiables sont utilisés par les deux professeures documentalistes pour mesurer l’appropriation de leur CDI par les usagers : la fréquentation, le flux au sein des différents espaces, les modalités d’occupation de l’espace par les élèves et par le professeur documentaliste lui-même. Ce suivi nourrit des questionnements actualisés sur les usages et pratiques pédagogiques qui se déploient – ou pas – dans les différents espaces. Il conduit sur la base de ces observations à des réaménagements ou des évolutions dans la mise à disposition des ressources et des équipements. Et plus globalement, ce travail de suivi et d’analyse sur l’usage des différents espaces de travail, de détente, de pratique culturelle du CDI alimente des réflexions partagées avec une partie des collègues enseignants sur l’évolution de la posture et des pratiques pédagogique au sein du CDI.
Une mise en application concrète au sein de deux CDI
Un exemple de réaménagement au sein d’un CDI en collège
Un exemple de réaménagement au sein d’un CDI en lycée
Un espace d’apprentissage (pas) comme les autres
La réflexion de ces deux professeurs documentalistes sur leurs pratiques professionnelles nourrit un questionnement permanent sur l’aménagement de leur espace de travail pour que le CDI soit en plus forte adéquation avec les besoins des usagers, tout en s’inscrivant dans les évolutions du système éducatif français et en cherchant à accomplir au mieux les missions fixées par l’état. Elles soulignent l’une et l’autre qu’on n’exerce pas ce métier de la même manière dans tous les CDI, et que la configuration des lieux comme les ressources possibles (mobilier, équipements numériques, pratiques de l’ensemble de l’équipe pédagogique, impulsion de l’équipe de direction…) ont une influence sur la pratique quotidienne et les évolutions possibles. Ainsi, la question de l’intégration fonctionnelle et pédagogique des CDI aux autres espaces d’apprentissages de l’établissement scolaire gagne à s’appuyer sur des évolutions en matière d’aménagement des espaces de travail.
Sur le même sujet :
Retour de ping : CDI flexible | Pearltrees